Dans la famille LAIGNIER, Nicolas Jean Baptiste n’est pas le seul a avoir eu un rôle dans la Révolution: il y a également son frère plus jeune, Jean Philippe, révolutionnaire sous la Terreur, dont nous allons dresser le portrait aujourd’hui.
Jean Philippe est le onzième enfant de la famille. Il est né juste après son frère Marie Valentin que nous avons vu hier pour la lettre O. La date de naissance de Jean Philippe n’est pas certaine: en effet, la date connue et partagée par plusieurs arbres en ligne est celle du 15 juin 1750, or elle pose problème puisque cela signifierai que Jean Philippe est né seulement six mois après son frère Marie Valentin ! Il est donc plus probable qu’il soit né à la fin de l’année 1750.
Tout comme ses frères plus âgés que lui, il bénéficie d’une certaine instruction et grandi dans un environnement plutôt favorable. En 1780, Jean Philippe a 29 ans et il reprend l’étude de son père à Château-Porcien en tant que notaire royal. Il épouse la même année Jeanne Jacqueline BOUCHER de SORBON, une jeune femme de 20 ans originaire de Neufchâtel-sur-Aisne (02), non loin de Château-Porcien. Celle-ci est comme lui issue d’une famille de notaires.
Le couple va avoir trois enfants en 1782, 1783 et 1785. Une dernière naissance aura lieu en mars 1796, mais Jean Philippe n’aura pas le temps de connaitre sa dernière fille comme nous le verrons un peu plus tard.
Assez rapidement, Jean Philippe va manifester un certain attrait pour la politique. Les troubles pré-révolutionnaire vont définitivement acter son engagement. Dès la fin des années 1780, il occupe des fonctions d’avocat à Herpy et Justine, deux petits villages des Ardennes. Il s’installe par ailleurs à Herpy après avoir quitté Château-Porcien.
Dans les années 1780, alors que la France compte près de 27 millions d’habitants, la colère gronde dans les campagnes. Les caisses de l’Etat sont vides et le Tiers-Etats est de plus en plus écrasé par les taxes et d’autres impôts, tandis que le clergé et la noblesse en restent exemptés. Face à la crise économique et sociale qui se profile, le Roi donne la parole au peuple à l’occasion de la tenue des Etats-Généraux. Des cahiers de doléances sont remplis dans chaque bourgade de France de février à avril 1789. Les élections pour les Etats-Généraux se déroulent à la même période: les hommes de plus de 25 ans sont appelés à élire deux députés par bailliage pour les représenter aux Etats-Généraux. C’est de cette façon qu’a été élu Nicolas Jean Baptiste LAIGNIER, le frère de Jean Philippe, comme nous l’avons vu dans un précédent article.
Probablement que Jean Philippe va suivre de près et prendre part à toute cette agitation qui marque le début de l’année 1789.
Le 21 janvier 1793, le roi Louis XVI est guillotiné à Paris. La Révolution agite les monarchies européennes qui entrent en guerre contre la France. La Révolution agite également certains français qui y sont opposés. Face à cela, les révolutionnaires se radicalisent et ils créent un comité de salut public pour prendre les décisions politiques, militaires et économiques. Ils instituent également un tribunal révolutionnaire à Paris – qui s’étendra par la suite en province – ainsi que des comités de surveillance révolutionnaires, chargés de surveiller les étrangers et les suspects qui seraient hostiles à la Révolution. C’est la période dite de la Terreur. C’est dans ce cadre là que Jean Philippe, alors âgé de 43 ans, devient membre du comité révolutionnaire de Château-Porcien, renommé à cette période Château-sur-Aisne puis Marat-sur-Aisne. Chaque comité comporte 12 membres – parmi les révolutionnaires les plus engagés – qui agissent au sein d’une communes ou d’une section. Il existera plus de 20 000 comités révolutionnaires. Environ 17 000 personnes seront guillotinés, jugés en moins de 24h par les tribunaux révolutionnaires. Les suspects sont dénoncés, recherchés et arrêtés avant d’être emprisonnés en attendant leur procès. Les membres des comités révolutionnaires font également appliquer les lois révolutionnaires. Ils disparaitront sous le Directoire en 1795.
En tant que membre du comité révolutionnaire de Château-Porcien, Jean Philippe témoigne en faveur du terroriste Mogue lors de son procès en 1795. Nicolas Memmie MOGUE est un jacobin, vice président de la société populaire de Sedan et il oeuvre pour le comité de révolutionnaire de la ville. Malgré un idéal social fondé sur l’égalité, Mogue va se servir et abuser du pouvoir que lui octroie son action au sein du comité. Il est arrêté le 3 août 1794 et emprisonné au cachot de Sedan pour les motifs suivants:
- usurpateur du titre de propagateur des droits de l’Homme
- dénonciateur banal de tous les bons citoyens
- ami et protégé de Carrier, Vadier, Robespierre
- homme sans moralité
- « le plus méchant, le plus scélérat, le plus fougueux des terroristes, et le plus grand recruteur de la guillotine«
Entendu lors d’un procès qui va durer 34 jours, Jean Philippe LAIGNIER va témoigner en faveur de Mogue. Ces deux là se sont connus du temps où Mogue gravitait autour de Château-Porcien. Mogue sera jugé coupable de 14 chefs d’accusations. Condamné à la peine capitale, il est guillotiné le 14 juillet 1795 place de la Révolution à Mézières.
Jean Philippe décèdera peu de temps près toute cette affaire. Il meurt dans des conditions que j’ignore le 1er avril 1796 à Neufchâtel-sur-Aisne, à l’âge de 45 ans, laissant trois jeunes enfants et un nourrisson de quelques semaines.
Pour aller plus loin: - Correspondance de Nicolas-Memmie Mogue, terroriste ardennais, auteur des noyades et des fusillades en Vendée, 1901 - Dénoncer les conventionnels pendant la Terreur et la Réaction thermidorienne : des logiques et pratiques entre local et national, Jean-Baptiste Legoff, Dans Annales historiques de la Révolution française 2013/2