#ChallengeAZ : F comme Foyer

Nous l’avons vu, aussi loin que nous avons pu remonter l’ascendance des PIERD’HOUY, cette famille semble originaire de Charleville dans les Ardennes – elle comptait parmi ses premiers habitants à la création de la ville. Tous ont vécu à Charleville et y ont occupé des fonctions plus ou moins importantes. Un de ses membres – mon ancêtre – occupait une maison dont il était propriétaire place Ducale à Charleville, qui est aujourd’hui toujours existante: c’est notre sujet d’aujourd’hui.

Né en 1711, Jean Nicolas, mon ancêtre, est le deuxième enfant du couple formé par Charles PIERDHOUY et Marie Catherine DELAMOTTE. Comme nous l’avons vu hier, il a, comme son père, été à la maîtrise des Eaux et des Forêts en tant que secrétaire d’Edmond COULON, Grand Maître des eaux et des Forêts de la généralité de Metz et des frontières de Champagne.

Signature de Jean Nicolas PIERD’HOUY en 1739

En 1739, il épouse Marie Claude DELAPIERRE avec qui il va avoir pas moins de 7 enfants. Toute sa vie, il va vivre avec sa famille à Charleville. Aujourd’hui, soit près de trois siècles après qu’ait vécu Jean Nicolas, sa maison du centre de Charleville est toujours visible.

Plan des contours des fortifications de Charleville et du Mont-Olympe, Tassin, 1638 (source: AD08)

Clément II Métezeau, architecte du Roi

Charleville est une ville créée il y a quatre siècles, en 1606 par le prince Charles de Gonzagues, duc de Nevers et de Rethel. Pour la création de sa ville, le duc va faire appel à Clément II Métezeau, architecte du Roi de France. Il veut une ville organisée et harmonieuse: l’architecte va établir Charleville selon un plan en damier, avec des bâtiments uniformes faits de briques rouges et de pierres de taille ocres. Une place quadrangulaire, autour de laquelle s’organise la cité, est construite dès 1612. Il s’agit de la Place Ducale, entourée de ses 32 pavillons, qui n’est pas sans rappeler la Place des Vosges, construite à la même période sous le nom de Place Royale par le frère de notre architecte, Louis Métezeau. Alors que les travaux touchent à leur fin en 1625, le duc fait changer les plans et modifie la symétrie de la place pour y ajouter son palais ducal. Faute de moyens, les travaux ne s’achèveront pas totalement et seules les façades du palais seront mises en place, laissant les intérieurs vides – il faudra attendre 1843 pour que ce qui reste du palais soit réaménagé et qu’il laisse place à l’hôtel de ville !

Blason de Charleville

Le Pourtrait de la neuve et incomparable ville de Charleville, assize sur le bord de la Meuze dans la principauté souveraine d’Arches, Edme Moreau, 1625 (source: Gallica)

La maison qui nous intéresse aujourd’hui, située au 19 Place Ducale, est donc sortie de terre entre 1612 et 1625, du côté de la rangée sud de la place, à l’angle de la rue Saint-Charles. Le duc va faire don de la jouissance de cette maison aux frères LEROY, armuriers, venus s’installer à Charleville. En 1636, l’un des frères, Sébastien, achète la maison pour la somme de 1100 livres. Il la lègue à sa femme Barbe SERGENT trois ans plus tard, après son décès, puis la maison va revenir à la famille du second époux de Barbe, Nicolas BARTHELEMI. C’est à cette famille que mon ancêtre Jean Nicolas PIERDHOUY rachète la maison le 29 octobre 1744, plus d’un siècle après sa construction. Il va y faire des embellissements: il fait sculpter le porche, construit un balcon – toujours visible aujourd’hui – et installe de nouvelles fenêtres. Tous les travaux lui sont accordé malgré les règles de conformité imposées par les plans et les dessins voulus par le duc. Il créé également une extension de la maison sur les terrains adjacents situés rue Saint-Charles – rue qui part de la place – , déjà rachetés par l’ancien propriétaire. En 1779, la maison n’appartient plus à la famille PIERDHOUY. J’ignore à ce jour la date et le lieu de décès de Jean Nicolas. Il est très probablement décédé à Château-Porcien (où s’est marié son fils Marie Barthélémy en 1778) dans les années 1780, et où les registres paroissiaux ont été détruits, ce qui expliquerait que je ne retrouve pas son acte de décès. Si cette hypothèse est la bonne, alors il a du vendre sa maison de la place Ducale avant de se retirer à Château-Porcien. Aucun de ses enfants ne retournera vivre à Charleville.

Maisons de la Place Ducale par Jean-Robert Dupré, 1943 (source: AD08)

Après avoir vu différents habitants vivre entre ses murs, le 19 de la Place Ducale devient à la moitié du XIXe siècle la succursale d’un magasin situé plus loin sur la place. En 1888, rachetée par Arthur JEANTEUR, la maison devient une boutique à part entière. Elle prend alors la fonction qu’elle occupe encore jusqu’à aujourd’hui, en abritant ce magasin très réputé dans l’Est de la France.

Le magasin Arthur Jeanteur au début du 19e siècle

La maison aujourd’hui, visite en octobre 2023

Sources:
- Journées européennes du patrimoine 2016
- Les ménages de Charleville en 1790, Stéphane Minvielle, dans Revue du Nord, 2013/2-3