#ChallengeAZ : Y comme Y’a usurpation !

Si, comme nous l’avons vu hier, les parents de mon ancêtre Marguerite SIMONNET sont connus, rien n’est moins sur lorsqu’on remonte les générations de cette famille.

Les historiens qui se sont penchés sur les origines de la famille SIMONNET s’accordent à dire avec certitude que ses membres les plus anciens sont Jean SIMONNET, né vers 1500 et décédé entre 1548 et 1555 et sa femme Marguerite PEUCHET, née vers 1500 et décédée vers 1575. Tous deux sont mes ancêtres à la 17ème génération et sont les grands-parents de Marguerite SIMONNET dont nous avons pu découvrir le portrait dans l’article d’hier.

Jean SIMONNET était de son vivant maire de Rethel. A cette époque, le maire est celui qui administre la ville pour le compte d’un seigneur et fait l’intermédiaire entre ce dernier et les habitants. Cette charge pouvait être héréditaire, et elle était très souvent portée par l’élite de la ville. Enfin, le maire n’avait pas la même fonction d’une ville à l’autre. En ce qui concerne notre sujet du jour, les SIMONNET seront à la tête de la mairie de Rethel jusqu’en 1591.

Jean Boucher de Crèvecoeur, historien du XIXe siècle que nous avons déjà mentionné lors des précédents articles, apporte des précisions concernant les mairies (ou fiefs) héréditaires. Il nous dit la chose suivante dans son article Un fief-office: la Mairie héréditaire de Rethel:

« De nos jours en France, le maire est un élu de la population désigné par les autres conseillers municipaux pour administrer sa commune et c’est en même temps un officier public investi sur place d’une autorité de l’Etat. Sous nos rois, au nord du royaume, dans les villes, parfois fort petites, qui avaient obtenu une charte de bourgeoisie, ces deux sortes de pouvoir, bien précisés dans la charte, étaient séparés et attribués à deux instances différentes: un corps d’échevins, généralement élus, administrait la ville et avait les prérogatives inhérentes aux franchises des bourgeois; d’autre part le seigneur du lieu nommait un officier appelé maire ou mayeur, pour y exercer la puissance féodale qu’il s’était réservée. […] Dans Rethel, son chef-lieu, le comte, en raison de l’importance de la ville, avait même établis plusieurs maires qui se partageaient la gérance des affaires seigneuriales. La plupart n’étaient que des fonctionnaires précaires tenant leur office à ferme: le maire forain par exemple. Un seul avait le sien en fief, le maire héréditaire; investi de responsabilités publiques essentielles, il avaient la prééminence sur tous les autres. »

Rethel, XVIIe siècle (source: AD08)

L’ascendance de Jean SIMONNET est moins certaines, et plusieurs « versions » lui sont prêtées. En effet, lorsque j’ai commencé mes recherches sur la famille SIMONNET, j’ai tout de suite trouvé des sources indiquant son appartenance à la noblesse. C’est en réalité plus complexe. Voyons cela de plus près.

Dans un premier temps, revenons à notre couple: Jean SIMONNET et sa femme. C’est par ce couple et leur descendance que je cousine avec les grands noms de champagne (Ruinart, Moët, Veuve Clicquot…). Ensemble, ils vont avoir quatre enfants:

  • Marie, née vers 1522 et décédée vers 1581. Des arbres en ligne indiquent une naissance en 1517 à Bar-le-Duc, mais je n’ai pu vérifier cette information. Elle épouse vers 1536 Nicolas GODINOT, marchand à Reims, avec qui elle va avoir au moins quatre enfants. Nicolas GODINOT décède un peu moins de vingt ans après leur mariage, et Marie va épouser en seconde noces Ménault DE LA SALLE en 1555.
  • Nicole, née vers 1523. Elle épouse Christophe CACHETTE, marchand bourgeois et échevin de Reims avec lequel elle va avoir trois enfants.
  • Nicolas, mon ancêtre, le père de Marguerite, né vers 1525 et décédé avant 1585. Nous y reviendrons après.
  • Jeanne, née vers 1528 et décédée avant 1559. Elle se marie en 1554 avec Jacques BOUCHER DE RICHEBOURG, père de la branche DE RICHEBOURG dont nous avons déjà évoqué la famille au cours de ce challenge : Jeanne est sa première femme et le couple n’a à priori pas eu d’enfants.

Continuons avec mon ancêtre Nicolas. Il va posséder des charges à la mairie de Rethel ainsi que les seigneuries de Soreau (aujourd’hui hameau de Sorel à Damouzy), de Singly et de la Granville, ainsi qu’une partie de la seigneurie d’Inaumont. Avec sa femme Marguerite TAMISON, il a eu pas moins de neuf enfants. Parmi eux il y a Jean, leur fils aîné, qui va perpétrer le nom des SIMONNET au fil des siècles grâce à sa descendance.

Ludovic, duc de Gonzague (1539-1595)

Jean l’aîné est né vers 1550 et est décédé en 1614 à Rethel. Seigneur de La Granville, de la Lobbe, de Singly et de Moussy, il va posséder de nombreuses charges dans le Rethelois et être commissaire général de l’armée du Duc de Gonzague. Jean va étudier le droit, probablement en la ville de Reims, avant de rejoindre l’armée de Ludovic de Gonzague, où il va occuper la fonction de commissaire.

Il va également, semble-t-il, occuper des fonctions à la mairie de Rethel dès 1571 et jusqu’en 1591, date à laquelle cette charge n’appartient plus à la famille SIMONNET. Il va posséder la seigneurie de Granville échue par son père ainsi qu’une partie de celle de Singly. Concernant la seigneurie de La Lobbe, il l’obtiendra de la succession de son beau père Jean ROLLAND avec le rachat des parts de se belle soeur Marguerite ROLLAND. Au fil des années, Jean va assoir la puissance et la fortune de la famille SIMONNET.

Il épouse par contrat le 3 septembre 1581 la jeune Gillette ROLLAND de quatorze ans sa cadette. La couple va avoir six enfants, dont deux fils, Jacques et Charles, qui vont poursuivre sur la même lancée que leur père et faire un peu plus rayonner et élever le nom de la famille SIMONNET dans le Rethélois. Concernant ce contrat de mariage, aucun acte original ni copie ne sera fourni par les descendants du couple pour la grande enquête sur les preuves de noblesse: l’acte – avec la filiation de Jean – s’est comme évaporé ! Cependant, du temps où il était vivant, rien ne qualifiait Jean SIMONNET d’écuyer, marque d’appartenance à la noblesse. Il était désigné dans les actes comme étant noble homme, c’est à dire une dénomination montrant un rang social appartenant davantage à la bourgeoisie, grâce à la possession de quelques seigneuries et de charges au sein de la ville. Ce sont ses petits enfants qui vont lui attribuer le terme d’écuyer.

Fidèle au Duc de Gonzagues, dont il est l’avocat général et le bailli, et à Henri IV, Jean prend position lors de la guerre civile qui opposent les catholiques et les protestants et qui va faire rage partout dans le royaume et dans le Rethélois à la fin du XVIe siècle. Dès 1589 les tensions s’accentuent. En effet, les habitants sont sommés de se positionner en adhérant à la Ligue (l’union des catholiques). Jean ne signera pas l’acte d’adhésion. Les villages sont pillés, les églises dégradées et les habitants s’enferment chez eux et se protègent avec des armes. Jean SIMONNET va fuir Rethel avec plusieurs de ses concitoyens: trois de ses maisons seront incendiées. Cinq ans plus tard, il sera de retour dans la ville. Il y décède le 28 mars 1614, quatre ans après l’assassinat d’Henri IV.

Procession de la Ligue sur la place de Grève, Anonyme, vers 1590 (source: Paris Musées Collections)

Son fils Charles, né vers 1596 et décédé en 1635, va posséder à partir de 1619 la seigneurie de Singly et de La Lobbe grâce un transport de la part de son frère Jacques, l’aîné, seigneur de Granville et de Bellair, effectué à son profit. Parmi les quatre enfants que Charles va avoir avec sa femme Jeanne MERCIER, il y a deux garçons, Jacques Maximilien (1622-1699) et Nicolas (1628-1694). Tous deux vont partager les seigneuries de leur père: le premier va être à la tête de la branche des SIMONNET DE SINGLY tandis que le second va être à la tête de celle des SIMONNET DE LA LOBBE. Ceux deux là, bien qu’ils n’aient pas connu leur grand-père Jean décédé en 1614, vont tenter de lui donner ses lettres de noblesse et dorer le blason de la famille SIMONNET.

Valentine VISCONTI, duchesse de Milan (1368-1408)

Alors qu’ils jouissent tous deux du titre d’écuyer (titre que portait déjà leur père avant sa mort), ils sont condamnés par jugement le 24 mai 1668 comme usurpateurs de noblesse – ce qui ne signifient pas qu’ils n’appartiennent pas à la noblesse: ils peuvent tout simplement ne pas avoir produit les titres demandés lors de la grande enquête sur la noblesse lancée par Caumartin! Ils se voient infliger 500 de livres d’amende chacun ainsi qu’une taxe de 3 livres de tailles. Face à cette condamnation, ils vont saisir le conseil d’état et produire les titres requis. L’ascendance des SIMONNET est toute trouvée: le premier du nom est Guiot, arrivé d’Italie, un gentilhomme milanais, premier écuyer de la duchesse de Milan qu’il a suivi en France lors de son mariage avec le duc d’Orléans en 1389.

La descendance de Guiot ne va compter que d’écuyers et de gentilshommes jusqu’à Jean SIMONNET, qui serait son arrière petit-fils, notre maire de Rethel et mon ancêtre, point de départ de cette article.

Parmi les titres que les deux frères vont produire, plusieurs vont concerner leur grand-père Jean, avec la qualification d’écuyer. Cependant, ils ne fourniront rien concernant les générations plus éloignées. Comme énoncé plus haut, ils ne fourniront pas non plus le fameux contrat de mariage qui aurait du faire paraitre une partie de l’ascendance de Jean.

Généalogie de Jean SIMONNET établie par ses descendants Jacques Maximilien et Nicolas

C’est également à ce moment là que les armoiries sont enregistrées par Jacques Maximilien SIMONNET:

Armoiries des SIMONNET

Finalement, et malgré la production de pièces n’allant pas au delà de la génération de Jean SIMONNET, la famille est admise dans la noblesse en 1671 par arrêté du Roi et elle y est maintenue en 1679, faisant de Jacques Maximilien et Nicolas et leur descendance des nobles. Cependant pour les historiens qui se sont penchés sur cette famille, le doute subsiste concernant l’ascendance de Jean SIMONNET et la filiation supposée avec le milanais Guiot SIMONNET. En effet, si il existait bien des SIMONNET en Champagne au XVe siècle et même avant, rien n’indique qu’ils soient les ancêtres de nos SIMONNET – qui eux même n’ont pas réussi à en fournir les preuves.

Jean Boucher de Crèvecoeur, qui a étudié cette famille, pense qu’il est plus probable que celle ci descende d’une famille plus modeste, et dont ses membres ont pris de l’importance dans le Réthélois dès le XVIe siècle.

Sources:
- Maires, prévôts, doyens, les intermédiaires entre seigneurs et exploitants, Nathalie Verpaux
- Un fief-office: la mairie héréditaire de Rethel, Revue Historique Ardennaise, Jean Boucher de Crèvecoeur, n°9, 1974, p.69-80
- Famille de RETHEL: les SIMMONET, Revue Historique Ardennaise, Jean Boucher de Crèvecoeur, juillet-décembre 1971, n°6, p.1-49
- Revue de Champagne et de Brie, volume 2, 1890
- Histoire de la ville de Rethel, depuis son origine jusqu'à la révolution, Emile Jolibois, 1847

Une réflexion sur “#ChallengeAZ : Y comme Y’a usurpation !

  1. Christelle 29 novembre 2023 / 12 h 50 min

    Hehe, il y en a qui se seraient arrangés avec la réalité ? 🧐
    En tout cas je trouve très claire l’explication fournie sur le rôle des échevins et maires de l’époque !

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