Quand la généalogie mène en Argentine

Tout a commencé au début du mois de décembre. Je reçois deux mails via geneanet: l’un en espagnol, l’autre dans un français maladroit. Deux frère et soeur, prénommés Sandra et Celestin, m’expliquent qu’ils pensent descendre d’un individu qu’ils ont retrouvé dans mon arbre, Célestin LAVIGNE, originaire du Béarn et frère de mon arrière-arrière-arrière grand-mère, parti en 1883 tenter sa chance en Argentine.

Nous voilà arrivés au 2 février 2019. Après de nombreux échanges de mails, de recherches de part et d’autre de l’Atlantique, ma prétendue cousine a retrouvé l’acte de mariage qui va certifier la filiation et notre lien de parenté. Nous sommes bel et bien parents de la 4e à la 6e génération.
Nous sommes en 2019, et grâce internet, je suis en contact avec des cousins vivants en Argentine. De mon côté, la descendance d’une partie de cette famille s’éclaire. De leur côté, ils ont la confirmation que leur ancêtres étaient français.

sticker-mappemonde-50-cm-x-70-cmMais revenons au tout début.

Marie Thérèse Laïre, le point de départ de mes recherches

p_11_Marie_Thérèse_Laïre.JPG
Marie Thérèse Laïre (archives personnelles)

Marie Thérèse Laïre est mon arrière-arrière grand-mère, épouse d’André Fontaine, qui a fait l’objet de mon premier article sur ce blog.
Il s’agit d’une des premières personnes qui a été au centre de mon attention et de mes recherches dès lors que j’ai débuté en généalogie. En effet, je savais seulement d’elle, par les informations transmises par ma grande-tante, qu’elle avait été abandonnée à la naissance. L’envie était bien trop forte de percer le mystère et de retrouver une trace des ses parents ! Malheureusement, j’ai fait chou blanc après avoir cherché un peu partout: son acte de naissance du 12 septembre 1888 à Bordeaux (33) mentionnait seulement sa mère, Catherine Laïre, domestique de 20 ans, domiciliée au 33 rue de Naujac à Bordeaux. Impossible de mettre la main sur cette Catherine Laïre.

Très rapidement, je laissai tomber et passai à autre chose.
Jusqu’au jour où je reçois dans ma boite mail le dossier des enfants assistés de Gironde de Marie Thérèse Laïre.

Et là, surprise: sa mère se nomme en réalité Catherine Lavigne, née le 9 septembre 1868 à Méritein (64), et domiciliée à Mérignac (33). Toujours pas de mention du père de Marie-Thérèse, mais le vrai nom de famille de Catherine ainsi que sa ville de naissance va me permettre d’accéder à toute une branche qui m’était alors totalement inconnue.

laïre_abandon_2.JPG
Dossier de Marie Thérèse Laïre, n°6997, Archives départementales de Gironde.

La famille Lavigne

Me voilà partie pour le Béarn. Après un petit temps d’adaptation et de compréhension des subtilités propres à cette région de la France (un monde à part, je vous le dis!), je reconstitue assez rapidement la famille de Catherine.

Capture d’écran 2019-02-03 à 22.42.02.jpg
Situation géographie de Méritein, dans les Pyrénées-Atlantiques (64) (source: geoportail)

Pierre Lavigne, métayer, né en 1833 à Araux (64), épouse à Méritein (64) le 19 avril 1860 Marie Latreyte, née en 1839 à Méritein. Cette dernière va mettre au monde 11 enfants:

  • Catherine Désirée, née en 1860 à Araux
  • Jean, né en 1862 à Méritein
  • Célestin, né en 1865 à Méritein
  • Catherine, née en 1868 à Méritien (mon AAAGM)
  • Arnaud, né en 1870 à Méritein
  • Claire, née en 1871 à Méritein, Maison de Salauly
  • Marie, née en 1873 à Méritein
  • Jean Baptiste, né en 1875, à Méritein
  • Germain, né en 1877 à Méritein, décédé à l’âge de 3 en 1880 à Gurs
  • Jeanne, née en 1880 à Gurs
  • Auguste, né en 1882 à Gurs, décédé l’année suivante à l’âge de 8mois.

Alors que j’avais connaissance de tous les membres de la famille, le plus dur restait à venir. En effet, il m’était impossible de retrouver la trace de la famille dans les registres de l’état civil. Les recherches sur filae, dont l’aide est précieuse pour le XIXe siècle, restaient vaines.

Départ pour l’Argentine

C’est en regardant du côté des registres matricules que tout s’est expliqué.
Deux des frères Lavigne, Jean et Célestin, n’ont jamais fait leur service militaire, étant absents car vivant en Amérique.
En effet, comme de nombreux jeunes hommes béarnais et basques de leur âge, ils ont fuit la conscription, sont partis rejoindre le port de Bordeaux, et ont pris un bateau pour l’Amérique du Sud. Mais ils ne sont pas partis seuls, ils y ont aussi emmené leurs soeurs.

Jean a quitté sa famille et le port de Bordeaux le 5 décembre 1873, à l’âge de 11 ans. Il est parti à bord du Niger direction Buenos Aires, avec sa soeur Catherine Désirée, 13 ans. J’ignore pourquoi ces deux enfants sont partis si jeunes, sans leurs parents, restés à Méritein, ni aucun autre membre de la famille. Sont-ils allés rejoindre quelqu’un à Buenos Aires? Comment se sont-ils débrouillés une fois arrivés? Mystère.

niger.jpg
Le Niger ( source: Messageries Maritimes)

Célestin est quand à lui parti dix ans plus tard. Il quitte Bordeaux et embarque sur l’Orenoque avec sa petite soeur Catherine, mon AAAGM, le 5 décembre 1883, alors qu’il a 18 ans et elle 15. Ont-ils rejoints leurs frère et soeur déjà sur place? A nouveau, mystère.

orenoque2.jpg
L’Orenoque en cale sèche à Bordeaux ( source: Messageries Maritimes )

C’est ce fameux Célestin, arrivé à Buenos Aires fin 1883 début 1884 qui va être le trait d’union entre mes cousins Argentins et moi même. Celui-ci va se marier en 1890 Chivilcoy, commune située à 160km de Buenos Aires, avec Honoria Campagnolle, une argentine née de parents français (et béarnais, plus précisément!). Ensemble, ils auront plusieurs enfants, dont le grand-père de mes cousins, Sandra et Celestin.

Qu’est devenue le reste de la famille Lavigne?

Célestin et son frère Jean se sont établis de façon certaine en Argentine. Nous pouvons par ailleurs lire sur la fiche matricule de Jean que celui-ci vit en 1905 à 25 de Mayo, ville située à 70 km de Chivilcoy (dans laquelle vivait d’ailleurs Célestin avant son mariage: peut-être que la famille Lavigne s’est établie là bas à son arrivée en Argentine?).

Pour le reste, nous ne pouvons faire que des hypothèses, car à l’heure actuelle, je n’ai pas retrouvé la trace (ou du moins je n’en suis pas tout à fait certaine) de Catherine Désirée, ni de certains autres membres de la famille, tels que Claire et Marie, nées respectivement en 1871 et 1873. Elles se sont comme évaporées des registres de l’Etat Civil et des recensements français. L’hypothèse la plus probable est qu’elles ce soient aussi toutes les deux établies en Argentine.

Arnaud, Jean-Baptiste et Jeanne, quant à eux, semblent n’avoir jamais quitté leur France natale.

Quant à Catherine, mon AAAGM, j’ignore les raisons qui l’ont poussé à revenir en France.  Ce retour s’est fait entre 1884 et 1888, date à laquelle on la retrouve domestique à Mérignac, indigente, avec une petite fille qu’elle est dans l’incapacité d’élever et qu’elle se résout à abandonner seulement 12 jours après sa naissance.

Catherine finira le reste de sa vie à Mérignac. Son frère Jean Baptiste – qui n’a jamais quitté la France – , la rejoindra entre 1895 et 1899. Catherine se marie en 1897 avec Jean Audignon. Il a 34 ans, elle en a 28. Pierre et Marie, les parents de Catherine, seront consentants mais pas présents pour le mariage. En effet, ils vivent toujours à Gurs, à 250 km de Mérignac.
Jean et Catherine auront seulement trois enfants: Marie en 1898, Jean en 1899 et – un second – Jean en 1904. Le mari de Catherine, Jean Audignon, décède prématurément en 1905, à l’âge de 43 ans. Catherine se retrouve seule avec ses trois jeunes enfants, et sa belle mère, Catherine Lassalle, qui vit sous le même toit que la petite famille.
Entre 1911 et 1915, les parents de Catherine, Pierre et Marie, se rapprochent de leur fille et de leurs petits enfants, en s’installant à Mérignac. Mais à nouveau, le malheur frappe le cours de la vie de Catherine: ses parents Marie et Pierre décèdent en 1915, à à peine trois mois d’intervalle.
Le 20 juillet 1920, Catherine décède à son tour, à l’âge de 51 ans.

Jean Baptiste se mariera lui aussi à Mérignac avec Elisa Sallebert en 1906. Le couple n’aura aucun enfant et vivra modestement à Mérignac.

Capture d’écran 2019-02-03 à 22.39.00.jpg
En rouge Gurs (64), en bleu Mérignac (33), Google

Maintenant que je connais un peu mieux Catherine, je m’interroge et essaye d’imaginer la vie qu’elle a eu, mais aussi la vie et les relations qu’avaient les membres de cette famille Lavigne, éclatée entre la France et l’Amérique du Sud. J’essaye de comprendre la décision terrible qu’elle a du prendre en 1888 lorsqu’elle a laissé Marie Thérèse, sa fille, à l’assistance publique. J’essaye de ne plus lui en vouloir, de me mettre à sa place.
Nombreuses sont les questions qui resteront sans réponses.
Chacun s’imaginera ce qu’il veut, mais lorsque je pense à la vie de Catherine, j’ai le sentiment que celle-ci est loin d’avoir été heureuse.

Nueva-imagen-14.png

 

Catherine LAVIGNE (1868-1920)
2. Marie Thérèse LAIRE 
3. Léo FONTAINE
4. ma grand-mère maternelle
5. maman
6. moi

6 réflexions sur “Quand la généalogie mène en Argentine

  1. arsaut 5 février 2019 / 19 h 06 min

    ne croyez pas malice de ma part , mais votre article semble laisser à penser que Méritein soit situé au Pays Basque , alors que Méritein est béarnais . Il est amusant que nous nous rencontrions de nouveau dans ce village , lieu de naissance de mon grand père et de ses frères et soeurs dont une épousa un Lavigne Sylvestre . Nous nous étions déjà rencontré du côté de la Soule ( Chéraute , Mauléon , Musculdy ) ect

    J’aime

    • Mathilde 5 février 2019 / 19 h 11 min

      Je vous remercie pour cette précision que je vais rectifier suite !
      La famille Lavigne (du moins ma branche) semble originaire de Araux (lieu de naissance de Pierre Lavigne).

      J’aime

Laisser un commentaire